Exploitation sexuelle des enfants au Bénin : fossé entre textes et réalité 

Article : Exploitation sexuelle des enfants au Bénin : fossé entre textes et réalité 
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18 décembre 2023

Exploitation sexuelle des enfants au Bénin : fossé entre textes et réalité 

Au Bénin, il est facile de retrouver des enfants sur les sites de prostitution se donnant au sexe contre une rémunération. Dans certaines villes du pays, des enfants sont toujours exploités à des fins sexuelles. Malheureusement, ce problème préoccupe de moins en moins les acteurs. Il est important de ramener le sujet, d’éveiller les consciences et de rappeler à l’État ces obligations en matière de protection des enfants.

Dans plusieurs pays d’Afrique, des enfants continuent de subir diverses formes d’exploitation. Ils sont par exemple utilisés à des fins d’esclavage, de crime de guerre, de travaux dangereux pour leur âge, mais aussi à des fins de prostitution, d’abus sexuels et de pornographie. Cette dernière forme d’exploitation dite sexuelle empêche les enfants de profiter pleinement de leur enfance, de jouir de leurs droits à l’éducation, de bénéficier d’une meilleure santé sexuelle, physique et mentale. Cette forme d’exploitation les prive également de leur dignité, de leur potentiel et d’une adolescence épanouie.

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Crédit : Stocklib / yupa Watchanakit

Au Bénin, des enfants continuent d’être exploités sexuellement sous diverses formes. Pourtant, notre pays s’est doté de plusieurs instruments juridiques au niveau national avec de nombreux engagements internationaux qui visent la protection des enfants en République du Bénin, spécifiquement contre cette forme d’exploitation. Malgré le dernier examen du Bénin devant le Comité des Nations Unies pour les droits de l’enfant en 2018, qui s’est soldé par plusieurs recommandations dans ce sens, le phénomène d’exploitation sexuel perdure.  

Un phénomène interdit dans les textes

L’article 191 du code de l’enfant béninois définit le phénomène comme « toute exploitation à des fins de prostitution ou autres pratiques sexuelles illégales et/ou de toute exploitation aux fins de production de spectacle ou de matériels à caractère pornographique ». L’exploitation sexuelle se manifeste de diverses manières. Nous avons par exemple la prostitution des enfants, les abus sexuels, les violences sexuelles, la pornographie, le trafic des enfants à des fins sexuelles, le mariage forcé ou précoce, le tourisme sexuel impliquant des enfants, pour ne citer qu’eux.

Sur le plan régional et international, l’État béninois a pris des engagements visant à protéger les enfants contre ce fléau. De la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) à la Convention relative aux droits de l’enfant, avec ses protocoles sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie des enfants en passant par les pactes jumeaux sans oublier le cadre africain de protection de l’enfant. Sur le plan national, la constitution du 11 décembre 1990, en son article 26 fait obligation à l’État de protéger la famille, et plus particulièrement la mère et l’enfant. Il est clair que la loi fondamentale du Bénin protège de façon plus particulière les enfants.

Pourtant, si le Bénin est un pays dont le système juridique est dense en matière de législation sur la protection de l’enfant, l’exploitation sexuelle des enfants constitue une réalité encore niée au Bénin.

L’enfer des « vidomègon »

Depuis quelques années, la proportion que prend l’exploitation sexuelle des enfants au Bénin devient inquiétante. Si la prostitution ne constitue pas une infraction pénale au Bénin, la prostitution des enfants reste punie par la loi. Aujourd’hui, on constate avec regret que des enfants sont souvent enrôlés dans les réseaux de prostitution, parfois avec la complicité des parents et tuteurs.

Par ailleurs, l’exploitation sexuelle des enfants est aussi présente dans les foyers. Au Bénin, on les appelle « vidomègon » (les « enfants placés » en fon, la langue la plus parlée du pays). Ils y deviennent très rapidement des objets sexuels soit pour le mari, soit pour les garçons aînés de la maison ou parfois pour le chauffeur ou le gardien. Ces filles sont obligées de garder le silence au risque d’être mal jugées. Dans les écoles également, le phénomène semble avoir la peau dure. Pour l’ancienne Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des enfants, Najat Maalla M’j’ai, « Il est impensable que dans l’école censée être un environnement éducatif et protecteur, des filles soient abusées impunément ». Pourtant, c’est une réalité : des enseignants continuent d’abuser des filles dans les écoles.

En parallèle, la parole semble de plus en plus se libérer. En février 2022, une chaîne de télévision béninoise reçoit une jeune fille de 19 ans, qui avoue avoir travaillé pendant longtemps dans des réseaux de prostitution. Ayant fugué de sa maison familiale à 11 ans, elle commence à fréquenter les réseaux de prostitution très tôt. Plus récemment, une autre jeune femme dévoile sur TikTok qu’elle a commencé par se prostituer à l’âge de 10 ans.

Une travailleuse de sexe qui parle de ses experiences / Elle a fugué à 11ans avant de commencer la prostitution (intégralité)

Une réalité, encore déniée au Bénin

Peu d’informations sont disponibles sur l’exploitation sexuelle des enfants au Bénin, mais cela ne suppose pas que le phénomène est inexistant dans le pays. L’exploitation sexuelle des enfants est une réalité chez nous, seulement, elle est très peu documentée. Cependant, le rapport de l’Unicef sur la situation des enfants de 2019/P83 nous renseigne que plus de 1 000 sites de prostitutions ont été identifiés où des filles âgées entre 12 et 17 ans pratiquaient une prostitution professionnelle, parfois de manière occasionnelle et de moyenne durée (environ 2 ans).

 Certaines filles mineures se livrent à cette activité sur instructions des parents ou pour satisfaire leurs besoins fondamentaux parce que les parents auraient démissionné. Bella, une jeune fille béninoise, raconte à un média son expérience ; « J’ai 15 ans et j’ai commencé l’amour à l’âge de 8 ans. Ma maman n’était plus avec mon papa et aussi, elle n’aime pas rester à la maison parce qu’elle sort avec les hommes. Il y a un monsieur à côté de nous quand ma maman sort, il m’appelle, et quand je vais chez lui, il s’amuse avec moi et me donne de l’argent ». Comme Bella, plusieurs autres jeunes filles mineures se prostituent pour l’argent.

Les sanctions prévues par les lois

Depuis 2015, le Bénin dispose dans son ordonnancement juridique un Code qui protège spécifiquement les enfants contre toute forme d’exploitation. Mieux le Code pénal et le Code du numérique en vigueur au Bénin considèrent ces pratiques comme des infractions pénales. Une lecture minutieuse et croisée des articles 578 et suivant du Code pénal et des articles 518 et suivant du Code du numérique permet de comprendre que les auteurs d’exploitation sexuelle des enfants selon les cas peuvent être punis d’un emprisonnement allant de 10 ans jusqu’à la perpétuité. Sans oublier les sanctions prévues par le Code du numérique lorsque l’infraction a été commise par le biais du numérique.

On retient que, le Bénin est un pays dont le système juridique est dense en matière de législation sur la protection de l’enfant, notamment contre la prostitution et la pornographie des enfants. Cependant, il faut encore plus d’action afin de lutter véritablement contre le problème et mieux faire respecter nos textes.

Fréjus ATTINDOGLO

Une vidéo de sensibilisation contre l’exploitation sexuelle des enfants réalisée par ECPAT MALI 

Lire aussi : Quand le numérique s’impose dans l’éducation des jeunes aux DSSR

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Commentaires

Maboukath
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Beau travail !

Fouda Fabrice
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Magnifique article ! Je suis sans voix devant cette réalité. Merci pour la sensibilisation...

Romaric Kouca
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Merci pour ce billet.
C'est une problématique à prendre au sérieux dans nos États.

J'aime bien le contenu de ce billet, c'est bien digeste et facile à lire.